La TVA à 5,5 % dans la restauration, une fausse bonne idée

Publié le par David Hénaux

Maintes fois promise, maintes fois reportée, il semblerait que cette fois ce soit pour de bon : Nicolas Sarkozy vient de demander à Christine Lagarde de proposer au Parlement l'entrée en vigueur d'un taux de TVA réduit pour la restauration avant la saison estivale. La TVA devrait donc passer de 19,6 % à 5,5 % à compter du 1er juillet 2009.

Le lobby des restaurateurs peut être fier de lui, il vient, semble-t-il, de remporter la bataille.


Qu'est-ce qui justifie une telle décision ?  Et surtout, qui va être gagnant ? Difficile à dire... Tout dépendra du comportement des restaurateurs. La baisse de la TVA se traduira pour eux par une diminution de la fiscalité de plus de 11 %.

Plusieurs possibilités s'offriront à eux :

- en faire profiter les clients en diminuant les prix à la carte ;

- en faire profiter leurs salariés en relavant sensiblement les salaires, ou en améliorant leurs conditions de travail ;

- en profiter eux-mêmes en augmentant leur revenu.


Bien sûr, on peut estimer qu'il est dans l'intérêt des restaurateurs de diminuer les prix (pour attirer des clients qui se font rares) et d'augmenter les salaires (pour attirer des salariés un peu échaudés par le niveau des salaires et les conditions de travail dans la restauration), mais les efforts réalisés ces derniers jours par le gouvernement pour obtenir des engagements fermes dans ce domaine de la part des syndicats de restaurateurs montre qu'en haut lieu, on a sérieusement envisagé que cela ne se passe pas exactement de cette façon.


Pour essayer d'anticiper un peu, il n'est pas interdit de s'appuyer sur les précédentes expériences de baisse (ou de hausse) de la TVA, pour observer la façon dont ces variations ont été répercutées sur les prix. C'est précisément ce qu'a fait Nicolas Carbonnier, un économiste chargé de mission au Ministère de l'Economie et des Finances. Ses conclusions peuvent utilement éclairer le débat.


Les prix vont-ils baisser ?


Question centrale. Pour que la mesure soit économiquement efficace, il faut qu'une partie de la baisse de TVA soit répercutée sur le prix de vente. Si l'on se base sur les expériences passées, environ 2/3 de la baisse s'est traduite par une diminution des prix dans la restauration. Si les restaurateurs prennent les mêmes décisions, on peut donc s'attendre à une baisse moyenne des prix de l'ordre de 7 % (pour une baisse de taxe d'environ 11%). Il pourrait s'ensuivre une augmentation de l'activité de 4 % dans le secteur. Evidemment, on ne peut pas savoir, tout cela repose sur une estimation économétrique qui repose elle-même sur des hypothèses par nature hypothétiques, mais acceptons cet ordre de grandeur.


Cela va-t-il créer des emplois ?


Avec un surcroît d'activité de 4 %, l'économiste estime la création d'emplois à environ 12 000. On est assez loin des 40 000 sur lesquels les syndicats de restaurateurs se sont engagés, mais on peut raisonnablement penser que ce chiffre de 40 000 est surévalué, ne serait-ce que parce qu'une partie des heures de travail nécessaires sera forcément effectuées par les salariés déjà en activité, sous la forme d'heures supplémentaires défiscalisées.

Ces 12 000 emplois verront-ils réellement le jour ? Rien n'est moins sûr. Le secteur souffre déjà de difficultés importantes de recrutement. Le chiffre de 60 000 emplois non pourvus faute de candidats est fréquemment avancé pour le secteur de l'hôtellerie-restauration. Dans ce contexte, on voit mal comment les 12 000 emplois supplémentaires pourraient être intégralement pourvus.


Combien cela va-t-il coûter à la collectivité ?


Difficile à dire... Tout dépend de l'effet sur la baisse du chômage. Si la mesure permet à des chômeurs de retrouver un emploi, il faudra prendre en compte les indemnités de chômage en moins dans le calcul. Nicolas Carbonnier estime la perte de recettes fiscales à 2,5 milliards d'euros ce qui représente, selon lui, environ 20 000 euros par mois et par salarié (pour 12 000 emplois).

En termes de politique de l'emploi, ce n'est probablement pas le moyen le plus efficace, ni le moins coûteux de créer des emplois ! D'autant qu'il s'agira le plus souvent d'emplois non qualifiés, et surtout peu qualifiants...


Alors, finalement ?


Une mesure qui va donc coûter cher à la collectivité (il va bien falloir compenser cette baisse de recettes fiscales), qui aura un effet réduit sur l'emploi, et qui servira surtout à soutenir le revenu des restaurateurs, ce dont certains d'entre eux ont probablement besoin, mais pas tous. Et si tel avait été l'objectif du gouvernement, il y avait sans doute beaucoup plus efficace qu'une baisse de TVA pour éviter les effets d'aubaines dont vont bénéficier ceux qui n'en ont pas besoin.


- Economiquement, par rapport à ce que ça va coûter, c'est inefficace.

- Socialement, c'est injuste. Les consommateurs qui vont le plus en profiter sont ceux qui vont le plus au restaurant. J'ai dans l'idée qu'il ne s'agit pas des plus pauvres.

- Actuellement, c'est surréaliste. Je me suis laissé dire qu'il y avait quelques milliers de façons beaucoup plus efficaces d'utiliser 2,5 milliards d'euros pour lutter contre les effets de la récession.

- Electoralement, c'est risqué... Certes, il s'agissait d'une promesse du candidat Sarkozy, mais dans le contexte actuel, il n'est pas certain que "l'opinion publique" adhère à cette mesure.


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